Rapport Idea 2018-2020 – présentation en Commission

Rapport Idea 2018-2020 – présentation en Commission

Table des matières

Introduction.

État des lieux du secteur.

Quelles conditions de travail ?

Un tremplin ?

Bien-être au travail.

Quelles solutions ?.

Conclusions.

Quelle est cette situation ?.

Introduction

Spectateur assidu des réunions de la commission emploi du parlement wallon, c’est avec un vif plaisir que j’ai suivi la présentation du plus “récent” rapport réalisé par Idea Consult. Celui-ci date de plus d’un an et porte sur la période 2018 à 2020. Il a été présenté en ce mois de juin devant la Commission. On a fait mieux en matière d’actualité…

La même équipe étant en charge de ceux commandités par la région Bruxelloise, la lecture pour 2019 et 2020 de ces derniers permet d’apporter certains éclairages aux zones d’ombres que le cahier des charges wallon (que l’on devine en creux) aurait laissées.

Et, effectivement, l’accent mis sur le bien-être au travail et, surtout, sur la notion « d’emploi tremplin » répond étonnamment bien avec les demandes de certains acteurs.

On pourra ainsi se pencher sur ce qu’écrivait D. Coutiez (que nous ne présentons plus ) et G. Infanti (membre du cabinet de l’actuelle ministre de l’emploi) en 2013

D. Coutiez et G. Infanti, La régionalisation des TS, décembre 2013

Cependant, les auteurs, au-delà de leur rôle au sein de la société de consultance, sont dotés de compétences scientifiques et peuvent, à la marge, rappeler que la réalité est loin d’être aussi binaire et simpliste que certains aiment à le faire croire.

La particularité du rapport wallon est de couvrir trois années et d’avoir analysé le parcours des travailleurs avant, pendant et après leur carrière.

Cet aspect m’a poussé à m’intéresser à celui remis par la même société au fond sectoriel et qui, en 2018, se concentrait, déjà, sur la problématique du travail faisable, travail maniable.

Enfin, j’ai voulu élargir la comparaison en me penchant sur les études antérieures afin d’affiner les données en les inscrivant dans une temporalité élargie mieux à même de dégager des évolutions tendancielles.

État des lieux du secteur.

Concernant, les entreprises, on apprend qu’il y en avait 925 actives en Wallonie dont 554 avaient leur siège social dans la Région. 41 % de celles-ci ont une vocation commerciale. Au total, 55 % des entreprises activent ressortent de cette catégorie. C’est même le type d’entreprise qui augmente le plus fortement sa part de marché.

Il est intéressant d’établir une comparaison avec le rapport de 2016 qui faisait état de 673 entreprises actives ayant leur siège dans la Région. En somme, une baisse de 18 % en quatre ans s’ajoute à la baisse de 24 % constatée entre 2013 et 2016[1].

Pour avoir un autre élément de comparaison, en Région Bruxelloise, les entreprises purement commerciales représentent dorénavant 75,1 % de l’ensemble (les ALE, 5,8 % et les ASBL, 8,9 %). De façon amusante, les ALE représentent 12,7 % des entreprises wallonnes actives en Région bruxelloise[2].

10 % des Wallons en âge d’acheter des titres ont recours au système (soit 292 000 personnes[3])[4]. Majoritairement, il s’agit de personnes de nationalité belge, possédant un travail et en couple avec enfant. Un peu plus d’un tiers ont plus de 65 ans (34 %)[5]. Ils habitent plus volontiers dans les communes les plus riches.

On notera que la part des utilisateurs âgés augmente d’année en année.

45 585 travailleurs étaient actifs en Région wallonne (20 % en provenance d’une autre région du pays). Il y en avait 48 783 en 2016[6].

Quelles conditions de travail ?

Les salariés y prestent en moyenne 18 heures par semaine (pour 24,4 heures en Région bruxelloise). Ce qui traduit une baisse tendancielle débutée avant la crise sanitaire.

Le temps partiel est en majorité reconnu comme un choix individuel. C’est un constat intéressant lorsque l’on sait que, parmi nos obligations, nous sommes tenus de dénoncer aux services chargés de l’emploi les salariés qui, bénéficiant d’un complément chômage, refuseraient une augmentation de leur temps de travail. Accessoirement, une des dispositions qui transforme l’employeur en contrôleur social et garantit une saine ambiance de travail.

83 % des salariés ont la nationalité belge, c’est une spécificité wallonne lorsque l’on est conscient qu’en Région bruxelloise, ce n’est le cas que pour 28 % des Bruxellois.es.

31 % ont plus de 50 ans pour 34 % à Bruxelles.

La majorité des entreprises n’offrent pas d’avantage extra-légal, ce qui constitue une évolution par rapport au passé où c’était un moyen d’attirer du personnel.

L’encadrement est en moyenne de 1/27 travailleurs. Le rapport ne permet cependant pas de distinguer les fonctions au sein des sociétés et il s’agit donc d’une donnée brute. Concrètement, quels sont le rôle des fonctions de direction et RH dans l’encadrement, p. ex. ? Peut-on considérer ces fonctions comme encadrantes ?

En revanche, les auteurs notent la grande variabilité de ce taux selon la nature de l’entreprise.

Un tremplin ?

60 % des salariés.es se déclarent satisfait.es de leur entreprise.

« Par contre, par rapport à leur emploi ou la fierté d’occuper cet emploi, elles sont une grande partie à ne pas être satisfaite. Les éléments qui apportent de la satisfaction sont la flexibilité — les horaires — et le fait que, par rapport à d’autres emplois peu qualifiés, elles ne travaillent pas le week-end ni le soir. Par contre, elles mettent en évidence des salaires beaucoup trop faibles, sans possibilité d’évolution, et avec une grosse pénibilité du travail. Cela explique que près de la moitié des travailleurs n’a pas l’intention de rester dans les titres-services jusqu’à la retraite. Une grande partie déclare vouloir sortir du secteur, mais ne pas trouver de moyen de le faire[7]. »

C’est un constat surprenant si on veut bien se souvenir que le rapport de 2018 mené pour le compte du fond de formation sectoriel indiquait que 89 % des aide-ménager.ères aimaient leur travail[8].

Moins d’un travailleur sur trois exerçait une activité déclarée avant d’entrer dans le secteur. Un quart le quitte dans les 2 ans et un autre quart y est depuis plus de 10 ans.

En 2019, 60 % des salariés ont bénéficié d’un emploi stable c’est-à-dire que 40 % sont restés dans le secteur, 20 % ont fait autre chose. 14 % des travailleurs sous contrat TS sont en incapacité de travail (ils étaient 4 % en 2010).

Plus interpellant encore, 51 % des salariés en incapacité depuis plus d’un mois le sont toujours 10 ans plus tard. En fait, seuls 25 % des travailleurs dans cette situation reprendront leur activité professionnelle. Le pourcentage restant se retrouve dans un statut d’inactivité.

Les auteurs de l’étude ont réalisé une comparaison avec d’autres secteurs qui emploient une main -d’œuvre similaire : aide à domicile, Horeca et nettoyage industriel.

Il ressort de cela que l’effet tremplin est a priori plus faible dans les TS et que l’absentéisme est surtout plus élevé durant les trois premières années d’activité par rapport aux secteurs de référence.

L’analyse est un peu différente si on y intègre les caractéristiques initiales de travailleurs TS plus précarisés.

Cette correction effectuée, les auteurs notent :

« Au final, il y a quand même un effet tremplin ou de stabilité d’emploi plus fort pour ces profils plus précaires, plus éloignés du marché de l’emploi, que pour les trois autres secteurs. » […]

Par ailleurs, « les personnes qui s’engagent dans les titres-services, comme l’a dit ma collègue, ont des profils plus fragilisés, qui augmentent la probabilité de connaître un problème de santé. »

J’ai déjà exprimé dans un précédent article ma perplexité face à ce subit engouement de l’administration pour un supposé « effet tremplin » consubstantiel à la mesure TS.

Dans leur rapport destiné à la région bruxelloise, les mêmes auteurs détaillent :

« Le dispositif des Titres-Services bruxellois est une mesure qui poursuit trois objectifs :

  • Augmenter le taux d’emploi chez les publics éloignés de l’emploi (faiblement qualifiés) ;
  • Diminuer le travail au noir ou au gris (économie informelle) ;
  • Améliorer l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle pour les ménages. [9]»

Il s’agit, basiquement, des objectifs initiaux de la mesure titre-service.

À la lecture des différents rapports d’Idea et à l’écoute de la séance de la commission, on peut affirmer que ces objectifs ont été atteints.

Bien-être au travail.

Maintenant, la question se pose des moyens mis en œuvre pour y arriver et de la pertinence de ceux-ci au vu des difficultés rencontrées ?

Cette question est implicite dans les différents travaux menés sur le secteur.

Or, le taux d’incapacité de travail est largement supérieur à la moyenne wallonne, y compris des secteurs du nettoyage industriel.

Par ailleurs, l’idée que les titres-services seraient un mécanisme d’insertion professionnelle semble avoir conditionné l’étude d’Idea. Et là, ça coince.

L’un des auteurs du rapport souligne d’ailleurs devant les commissaires :

« La deuxième grande priorité — puis je laisserai la parole à ma collègue —, c’est cette transition professionnelle. Quand on dit 20 %, il s’agit de 20 % de ceux qui quittent le dispositif et qui trouvent un autre emploi. Ça veut dire que 80 % qui quittent le dispositif sont inactifs, au chômage, en incapacité de travail après. Dès lors, ce ne sont pas de bons chiffres du tout ! À ce stade, il faut vraiment pouvoir favoriser cette reconversion professionnelle[10]. »

En clair, certes la mesure permet une meilleure transition professionnelle au public précarisé que les TS emploient, mais cela reste faible.

Ce constat ramène à cette réflexion dont je me faisais l’écho dans un précédent article :

« Dans l’ensemble, nos résultats indiquent que les subventions TS peuvent être un outil politique efficace pour réduire le chômage et accroître la participation (formelle) au marché du travail des travailleurs peu qualifiés. Cependant, cette politique devrait être essentiellement considérée comme un moyen de créer des possibilités d’emploi subventionné à long terme pour les travailleurs avec peu de perspectives d’emploi sur le marché du travail non subventionné, et non comme un moyen d’offrir une voie vers emploi non subventionné. Ces résultats impliquent que la fin des subventions aux TS, pour des raisons budgétaires par exemple, pourrait potentiellement générer des flux importants d’entrées dans l’assurance-chômage et l’économie souterraine. De plus, nos résultats mettent en évidence le fait que subventionner l’emploi dans un secteur qui est associé à des charges de travail physiques et psychosociales élevées peut entrainer des coûts indirects pour à la fois les travailleurs subventionnés (en termes de santé) et le Gouvernement (en termes d’allocations supplémentaires). Les décideurs doivent garder ces effets indirects à l’esprit lorsqu’ils considèrent les subventions TS comme un outil de lutte contre le chômage et attention aux mesures préventives susceptibles de réduire le bilan sanitaire sur les travailleurs. Plus généralement, ces résultats mettent en évidence que les programmes d’emploi peuvent avoir des effets autres que ceux initialement prévus, et les évaluations de programmes devraient accorder plus d’attention à la santé et d’autres retombées potentielles des politiques actives du marché du travail[11]. »

Quelles solutions ?

Les auteurs préconisent deux types de mesures : améliorer la formation des travailleurs avec un objectif de transition professionnelle vers les secteurs en pénurie et une rémunération plus stable et revalorisée.

Pour financer ces efforts, il est proposé d’imposer un forfait fixe à l’inscription destiné à couvrir les initiatives de coaching et d’augmenter la valeur du titre-service à charge du client à au moins 10,00 €. Il est également préconisé de soutenir les entreprises qui ont les meilleures pratiques en matière d’encadrement, de formations et de mieux faire appliquer la législation existante, notamment en matière de respect des temps de travail.

« Après, il est aussi nécessaire de justement essayer de favoriser les pratiques d’encadrement et autres, qui permettent de soutenir les travailleurs, mais aussi pour voir comment il est possible d’une manière ou d’une autre de lier les deux. C’est tout ce principe d’équilibre de, finalement, pour les entreprises qui jouent le jeu, s’assurer qu’elles perçoivent effectivement les finances dont elles ont besoin pour pouvoir continuer à jouer le jeu[12]. »

Pour dépasser le cadre conceptuel des « gentilles » entreprises de l’économie sociale et des « méchantes » commerciales, les auteurs du rapport ont développé devant les commissaires wallons, une taxinomie un peu différente en isolant quatre profils d’entreprises :

« Le premier profil est celui des entreprises qui font bien leur travail, qui mettent en place de bonnes pratiques, qui ont les connaissances et les ressources suffisantes et qui ont un modèle économique qui leur permettent de le faire. Il n’y a pas de problème à ce niveau. Il faut juste s’assurer qu’elles aient toujours les moyens et les connaissances nécessaires pour continuer à faire du bon travail.

Le deuxième profil renvoie aux entreprises qui essaient de faire de leur mieux et qui essaient de faire du bon travail, mais qui n’ont pas forcément toutes les bonnes connaissances. C’est là où les contrôles sont très importants, parce que l’on voit que ces entreprises réagissent aux contrôles, elles apprennent : “J’avais cela à disposition, je ne le savais pas. Je devais mettre cela en place, je ne le savais pas”. On a une véritable évolution de ces entreprises. Je pense qu’il est dès lors important de pouvoir continuer à les aider à s’améliorer.

Le troisième profil d’entreprises, ce sont les entreprises qui aimeraient faire du bon travail, mais qui n’y arrivent pas parce qu’elles n’ont pas les ressources suffisantes, parce que leur modèle économique n’est pas suffisamment bon. Dans ce cas, il faut pouvoir s’assurer de les aider à trouver les ressources suffisantes pour pouvoir offrir de bonnes pratiques. Il ne s’agit pas forcément de leur donner plus, mais de les accompagner pour pouvoir développer un modèle qui permet de faire du bon travail.

Le quatrième profil renvoie à des entreprises qui sont plus des fonds financiers que des entreprises. Ils ont identifié une opportunité de marché qui est incroyable : on a un prix qui est garanti et l’on peut, en rachetant beaucoup d’entreprises, faire des économies d’échelle. On peut minimiser les coûts et, en plus de cela, en trichant un petit peu, on peut s’assurer que l’on ne va jamais payer un travailleur s’il n’y a pas de prestation. Parce que s’il n’y a pas de prestation, qu’il travaille quand même un peu sur la journée et qu’une partie de ses prestations sont annulées, on va les mettre en absence justifiée, et s’il n’y a pas de prestation sur la journée, on va les mettre en chômage économique. On est donc assuré, quoi qu’il arrive, que, sur chaque heure payée de travail, il a une marge bénéficiaire. On n’assume pas son rôle d’employeur, on minimise ses coûts, on n’a même pas de réponse au téléphone quand l’aide-ménagère appelle. On a, dans ce cas, des pratiques qui sont de cet ordre : “Viens signer le papier attestant que tu as suivi les formations” ou “Viens nettoyer le bureau et l’on va te faire signer un petit papier qui dit que tu as fait une formation”. On a vraiment des entreprises qui trichent, qui exploitent les gens et qui ont identifié qu’ils ont un système rentable avec des prix assurés, des coûts qui sont assurés. De temps en temps, un petit contrôle avec une petite amende, ce n’est pas cela qui va faire la différence[13]. »

On remarquera tout de même que les deux seuls groupes d’entreprise spécifiques cités relativement positivement par les auteurs sont les ALE et les ASBL. La première fois pour signaler qu’il s’agit des groupes qui ont un taux d’incapacité de travail légèrement inférieur à la moyenne[14]. La seconde pour signaler que les ALE ont trouvé le moyen de contrôler le domicile des clients[15].

Conclusions.

L’analyse du rapport Idéa arrive très tard dans la mandature. Il a cependant le mérite de confirmer ce que nous pressentons depuis des années sur base de notre expérience professionnelle et des rapports antérieurs : le secteur va mal.

Pour continuer à engranger des bénéfices, les opérateurs privés commerciaux croissent par un mécanisme d’absorption de leurs concurrents tandis que le monde associatif disparait lentement.

La qualité n’est pas non plus au rendez-vous si on veut bien intégrer dans ce critère à la fois une certaine prévisibilité du service du point de vue du client et des conditions de travail qui ne dégradent pas la santé du travailleur.

Le mode de financement même, basé sur une heure de service consommée, pose question.

Dès 2009, la revue Regards économique, posait le constat suivant :

Du point de vue financier, il faut souligner que si les prestataires bénéficient tous de la subvention titre-service, une diversité apparaît quant aux sources complémentaires de financement public (aides à l’emploi, subsides régionaux). Une analyse de la viabilité financière des différents types d’opérateurs titre-service s’avère particulièrement complexe compte tenu de cette diversité, des commissions paritaires compétentes et des performances différenciées en matière de qualité d’emploi et d’organisation de service. Il ressort des simulations qu’un travailleur équivalent temps plein (ETP) d’ancienneté nulle et sans aide à l’emploi dégage une marge positive (parfois faiblement) chez la plupart des prestataires. Avec aide à l’emploi (toujours sans ancienneté), un ETP est (très) rentable chez l’ensemble des prestataires, en particulier chez ceux qui cumulent diverses sources de financement. Par contre, après quatre ans d’ancienneté, la marge dégagée par un ETP est négative chez la quasi-totalité des prestataires compte tenu des effets liés à l’accroissement de l’ancienneté des travailleurs et à la dégressivité tant des aides à l’emploi que de certaines subventions régionales. Par conséquent, seuls les prestataires dont le taux d’activité (le rapport entre les heures de ménage prestées au domicile des utilisateurs – et donc subsidiées – et le total des heures payées au travailleur) est (très) élevé parviennent à maintenir une marge positive. Il va de soi que la rentabilité «globale» d’une organisation dépendra du nombre de travailleurs avec et sans aide à l’emploi ainsi que de l’ancienneté de l’ensemble du personnel.[16]

Conçue dans la mouvance du new public management en vogue à la fin du siècle dernier, la mesure souffre des limites de ce mode d’organisation des services sociaux[17].

Pour compenser, les autorités régionales bruxelloises et wallonnes se sont lancées dans une multiplication de contraintes administratives qui, paradoxalement, accroissent la pression sur les trésoreries des acteurs traditionnels de ces politiques tout en les poussant à adopter les pratiques les plus discutables du secteur commercial.

A l’inverse, ce dernier s’adapte en misant sur les économies d’échelle et un respect formel de la loi qui tolère manifestement des entorses au droit social – du moins à son esprit – sans que les services de contrôle ne semblent avoir la capacité d’y mettre un terme.

On notera que la PAW, dans son mémorandum, comme dans ses échanges informels avec le monde politique et les partenaires sociaux, réclame depuis des années une évolution du mode de financement des entreprises TS qui soit lié aux conditions de travail des aides-ménager.ères.

Par ailleurs, par ses initiatives (engagement d’un coordinateur pédagogique, développement d’un catalogue de formations, mise sur pied d’un groupement d’employeurs, échange de bonnes pratiques), nous nous inscrivons pleinement dans la dynamique ici préconisée.

Cependant, outre les nombreuses peaux de bananes qui sont glissées sous les pieds de nos structures, nous devons financer ces initiatives nous-mêmes.

Dans le même temps, nos trésoreries sont sous pression dans l’indifférence de nos autorités de tutelle qui laissent la responsabilité de la situation peser sur les mandataires locaux.

Il est tout de même surprenant de s’émouvoir du sort des salariés.es du secteur, de s’indigner des pratiques de certains des acteurs et, dans les actes, d’ignorer les difficultés rencontrées par l’un des rares acteurs qui tente depuis l’origine d’offrir l’environnement de travail le plus respectueux.

Au-delà de la situation particulière de nos membres, les rapports Idea confirment que, malgré les sommes investies, le secteur TS est sous-financé si l’objectif est de favoriser une insertion sociale et professionnelle.

À court terme, la situation rencontrée dans les deux autres régions du pays va se reproduire en Wallonie.

Quelle est cette situation ?

Un secteur commercial omniprésent et concentré entre une poignée d’acteurs qui mise sur un grand volume d’emploi pour réaliser des économies d’échelle et profiter pleinement de l’effet d’aubaine créé par un subside public.

Un volume lui-même obtenu par l’absorption des autres acteurs et une optimisation sociale qui profite des craintes et blocages de leurs personnels plutôt que de les aider à les surmonter.

Il serait temps que le monde politique sorte des discours virils sur les « cow-boys » et les contrôles qui en viendraient à bout.

La réalité du secteur est beaucoup plus simple : l’argent du contribuable sert à verser des dividendes à quelques investisseurs sous couvert d’une mesure d’aide à l’emploi.

Et il n’y a là aucune infraction, ce fut un choix délibéré à l’origine. Reste que ce que le législateur a réalisé à un moment donné peut toujours être modifié. Il n’est sans doute pas pertinent de continuer à subsidier de la même manière un secteur dont, comme l’a souligné en commission l’un des auteurs :

« Aujourd’hui […], l’effet majeur du secteur des titres-services est de fabriquer des gens inemployables à long terme[18]. ».

Professeur Brolis

[1]  Évaluation du dispositif des Titres-Services wallons, 2016 Rapport final| Janvier 2018, p.16-17.

[2] Évaluation du système des TS pour les emplois et services de proximité en Région de Bruxelles-Capitale en 2019 pp 16 à 25.

[3] Il s’agit bien de personnes et non de ménage, ce qui augmenterait le taux de pénétration.

[4] 12 % en Région bruxelloise. Ce nombre est resté stable entre 2016 et 2019.

[5] Ce taux est de 24,3 % en Région bruxelloise.

[6] Cfr supra, Rapport 2016, p. 15.

[7] CRAC n° 171 (2022-2023) – mardi 13 juin 2023, p. 4.

[8] Travail faisable et maniable dans le secteur des titres-services : Étude sur le bien-être des travailleurs titres-services Rapport final | 25 mai 2018, p.18-20.

[9]  Évaluation du dispositif des Titres-Services pour les emplois et services de proximité en Région de Bruxelles-Capitale en 2020 – Rapport final | octobre 2021, p.14.

[10] CRAC, p. 18.

[11] Elisabeth Leduc, Ilan Tojerow, Subsidizing Domestic Services as a Tool to Fight Unemployment: Effectiveness and Hidden Costs, Bonn, IZA, 2020, p. 28.

[12] Ibid. p.22.

[13] Ibid. p.17-19.

[14] Ibid. p. 17.

[15] Ibid. p. 22.

[16] Jacques DefournyArnaud HenryStéphane NassautMarthe Nyssens, Les titres-services : quelle qualité d’emploi et d’organisation du service ? in https://www.regards-économiques.be/index.php?option=com_reco&view=article&cid=80

[17] Sur les quasi-marchés : https://www.cairn.info/revue-les-politiques-sociales-2015-1-page-32.htm

[18] Ibid. p. 19.