Présentation de la convention client en Wallonie.

Présentation de la convention client en Wallonie.

Introduction

Le mardi 6 juin dernier, je me suis rendu dans la campagne namuroise afin d’assister à la première séance d’information autour de la convention écrite imposée par la Région wallonne aux entreprises agréées (voir ici). Organisée par Form TS, elle s’est tenue dans des locaux du Forem.

On se souviendra que cette dernière est en fait obligatoire depuis le 1er janvier 2022, mais que le SPW n’a, discrètement, mis en ligne un modèle type que début 2023.

Durant deux heures, les représentants du SPW et du Forem nous ont donc détaillé les principaux prescrits devant y figurer. Ceux de Form TS ont mis l’accent sur les outils qui permettent d’aller au-delà.

Violence et harcèlement.

La possibilité d’exclure un utilisateur du bénéfice des titres-services en cas de violence, de harcèlement ou de harcèlement sexuel à l’égard des employeurs ou de leur salarié.e fut abordée dès l’entame. Seul gros bémol, l’administration n’est pas compétente pour juger de la matérialité des faits et de toute façon ne peut pas communiquer l’identité des clients éventuellement sanctionnés sur cette base spécifique[1].

Il est donc conseillé de joindre à la dénonciation une plainte auprès des autorités compétentes (la police, donc). Je vois mal en quoi le dépôt de ladite plainte changera quelque chose à la situation du point de vue de l’administration sans violer la présomption d’innocence.

Par ailleurs, le nouveau cahier des charges destiné à initier l’appel d’offres pour le renouvellement du marché d’attribution des titres-services — qui arrive à échéance — devrait permettre la mise en place d’une base de données. Celle-ci mélangerait les clients indélicats à ceux qui ne peuvent pas être inscrits dans le système en Région wallonne (p. ex. parce qu’ils sont domiciliés dans une autre région) sans possibilité de différenciation.

On notera que la responsabilité de l’inscription dans le système reposant sur le seul client, il nous appartiendra donc de vérifier cette donnée.

Une convention pour qui, pour quoi ?

Les intervenants ont bien sûr insisté sur le souhait de l’administration de nous aider à mieux se protéger, mais, en creux, il est tout aussi clair que ce document ne lie en rien ladite administration. Témoin les nombreuses fois où les fonctionnaires ont insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un canevas qu’il appartenait à l’entreprise de s’approprier ou qu’elle demeurait responsable des agissements de ses salariés (ce qui est conforme au droit belge, du reste).

De même, et c’est plus gênant, à aucun moment le fait pour un client de ne pas se conformer aux prescrits conventuels – et donc au droit wallon – n’entrainera une sanction directe de ce dernier par l’administration. On pourrait imaginer qu’elle lui réclame le remboursement du subside à la consommation (p. ex. en cas de prestations dans un local professionnel ou des communs). Ce serait une intéressante manière de les conscientiser à leur rôle dans le dispositif.

Questions — réponses.

Les questions de rentabilité et, plus implicitement, de l’insécurité juridique créée par une régionalisation où chacun y va de son décret ne purent être totalement évitées lors des séances de questions-réponses.

Les intervenants admettent bien que l’absentéisme est le principal facteur susceptible d’expliquer le manque de rentabilité des entreprises, mais la solution semble tenir à leurs yeux dans cette convention et la visite préalable à l’activité chez les nouveaux utilisateurs.

Tout au plus concèdent-ils que le métier, solitaire et peu reconnu socialement, est ingrat.

Au-delà, les éléments de langages habituels furent convoqués : le coût de la mesure pour le budget wallon, les fameux « cow-boys » ou prétendus tels du secteur et, de façon plus novatrice une réécriture des objectifs initiaux de la mesure.

Éléments de langages et faits.

Rappelons donc que si le coût brut d’une mesure qui sécurise 40 000 emplois[2] est de 600 millions (arrondis), le budget wallon est de 22 milliards d’Euros en 2023[3].

Que des « cow-boys », soit des dirigeants indélicats, on en trouve dans tous les secteurs de l’économie et qu’au-delà des effets de rhétorique de certains, rien n’indique que le nôtre — pourtant très surveillé — en comporterait plus que les autres.

Enfin, l’idée que les titres-services ont été conçus à l’origine comme un tremplin vers un autre emploi a été avancée.

J’avoue que si cette idée de tremplin est, logiquement, évoquée pour les entreprises d’insertion (c’est même leur raison d’être), c’est plus surprenant pour les titres-services en général.

Il parait important de nous rappeler que, dès 2003, la législation qui organise la mesure a imposé des CDI après les trois premiers mois. Une volonté explicite du législateur qui va à l’encontre de cette lecture qui semble avoir cours au sein de l’administration wallonne.

Au-delà, dans un communiqué de presse du VVSG[4] du 16 juillet 2004, écrit en réaction à un article du Morgen dénonçant, entre autres, la substitution d’emplois stables par les emplois en titre-service, l’organisation répondait ceci : « Dans les administrations locales, les chèques-services ne constituent certainement pas une menace pour un bon emploi et une rémunération à part entière ! Cela a été suggéré à tort dans un article du Morgen d’aujourd’hui ! Le système des chèques-services est utilisé par les administrations locales pour offrir des services supplémentaires et créer davantage de chances d’emploi, entre autres pour les groupes à risques. En vitesse de croisière, le nouvel instrument devra procurer au moins 2 000 emplois supplémentaires durables dans les administrations locales[5]. »

Dans la cadre de sa réponse au même article, Franck Vandenbrouck, qui venait de quitter ses fonctions de ministre fédéral de l’Emploi, précisait même à propos de la mesure : « L’objectif est clair : réaliser une bonne harmonisation avec l’emploi existant, rencontrer les besoins collectifs et individuels des familles, réduire le travail au noir et créer davantage d’emplois[6]. »

Pratiquement.

Sur le plan pratique, l’existence de conventions antérieures, furent-elles celles proposées par l’Onem, n’est pas prise en compte par l’administration régionale et il faut donc bien renouveler chaque convention individuellement.

Certaines questions plus spécifiques n’ont pas trouvé réponse durant la rencontre, mais un suivi devrait leur être apportés. Le temps nous le dira.

L’administration n’est pas compétente en matière de droit commercial et ne garantit donc pas la conformité de son canevas, conçu en partenariat avec les membres de la commission d’agrément.

Quant à un éventuel refinancement du secteur dont les charges ne cessent d’être alourdies, il relève de l’exécutif.

Si les fonctionnaires reconnaissent que les retours de terrains ne sont pas rassurants, seul un nombre de plus en plus restreint de gros opérateurs tirant encore leur épingle du jeu, rien n’indique que le sujet préoccupe suffisamment le gouvernement que pour voir des mesures aboutir sous cette législature finissante.

Même l’interdiction des frais administratifs, qui génèrent des plaintes des clients auprès de l’administration et du cabinet, n’est pas acquise.

En conclusion.

Ces séances d’informations n’apprennent pas grand-chose et arrivent bien tard. Elles ont cependant le mérite d’exister dans un secteur où chacun y va de son interprétation.

En creux, on devine que l’exécutif veut sans doute répondre à des demandes syndicales. Il amplifie cependant la tendance constatée depuis quelques années à transformer les entreprises agrées en contrôleurs du travail naguère dit « au noir » en leur faisant porter l’essentiel des responsabilités dans l’ensemble des difficultés rencontrées (e. a. : clients indélicats, salariés pris entre deux loyautés, absentéisme en progression constante).

Plus interpellant, l’administration semble accepter le discours purement idéologique de certains acteurs du secteur qui visent à masquer les objectifs initiaux de la mesure (et accessoirement son succès réel).

L’existence de cette convention n’empêchera pas l’entreprise de devoir rembourser les subsides liés à des prestations litigieuses (et ce même si aucun indice de volonté de fraude ou de dol n’est relevé dans son chef). Elle ne garantit pas qu’un tribunal saisi par cette dernière en cas de manquements d’un client et éventuellement d’un salarié ne l’estime non conforme au droit commercial.

Enfin, la possibilité d’exclure les clients accusés de faits de violences ou de harcèlement se heurte aux limites des compétences régionales et aux principes assez fondamentaux de la présomption d’innocence et du respect de la vie privée.

J-M Lovinfosse

Co-président


[1] Un formulaire en ligne existe, mais n’est pas simple à trouver : https://emploi.wallonie.be/home/services-de-proximite/les-titres-services/plainte-titres-services.html#:~:text=En%20cas%20de%20violence%2C%20de,utilisateur%20du%20secteur%20titres%2Dservices.

[2] Ce qui augmente d’autant le fameux taux d’activité wallon.

[3] https://spw.wallonie.be/recettes-et-d%C3%A9penses-r%C3%A9gionales

[4] L’Union des villes et communes flamandes.

[5] Traduction d’Alterecho, article complet à retrouver ici : https://www.alterechos.be/titresservices-un-article-de-de-morgen-soulegraveve-la-poleacutemique/

[6] Ibid.