Edito février 2023

Edito février 2023

Plantons le décor…

Une fois n’est pas coutume, je commencerai cet édito par une petite histoire.

Elle relève d’une problématique titre-service, mais vous conviendrez sans doute assez rapidement qu’elle touche à un universel administratif (du moins si l’univers s’arrête aux frontières du royaume).

Début d’année, une ouvrière TS marque son souhait d’augmenter son temps de travail pour prester un temps plein. Son horaire est déjà bien rempli, et réparti sur deux semaines.

Concrètement, un seul client est nécessaire pour lui permettre de prester une semaine 36 heures et l’autre 40 heures, ce qui aboutit aux 38 heures/semaine en moyenne répartie sur deux semaines.

La gestionnaire RH de l’entreprise qui l’emploie s’inquiète cependant d’une règle propre au secteur des titres-services. Cette dernière pénalise le dépassement du temps de travail maximal. Reste à définir cette notion.

Ni une, ni deux, elle se met en rapport avec le service idoine de la Région wallonne qui se montre intéressé et soumet le cas aux juristes de l’administration. Ce, ou ces, dernier.s botte(nt) en touche et renvoie(nt) à l’administration fédérale.

Consciencieuse, notre gestionnaire contacte donc le SPF emploi qui lui répond un courriel argumenté dont il ressort que la possibilité existe de déroger au plafond horaire maximal dans le cadre d’un horaire en cycle moyennant une demande écrite du salarié.

Jusque-là, tout va bien…

Le paragraphe conclusif revient pourtant sur l’ensemble en précisant que le secteur des titres-services est tellement spécifique que l’administration met en garde notre gestionnaire contre des dispositions dont elle n’aurait pas connaissance, et qui invaliderait le raisonnement.

Au final, interrogées, aucune des deux administrations auxquelles une entreprise wallonne est susceptible de faire appel n’a su répondre à une question a priori simple même si le cas de figure doit être assez rare.

Au-delà de l’anecdote

Je souligne que la gestionnaire dont il est question n’a eu qu’à se féliciter de la réactivité des personnes avec qui elle a échangé. Il demeure que la législation qui régit le secteur des titres-services n’a cessé de se complexifier au fil des années et que la gestion quotidienne des sociétés devient de plus en plus ardue.

La régionalisation, les rapports de forces entre partenaires sociaux et les liens de ceux-ci avec les différents partis amplifient encore cette dynamique où ce qui n’est pas obtenu au niveau fédéral voit un second round régional entrer en lice.

Il y a fort à craindre que si on n’y prend pas garde, la mesure titre-service devienne tout simplement ingérable pour la majorité des entreprises du secteur. Nous ne pouvons donc que plaider pour des états généraux du secteur qui permettent aux fédérations d’employeurs — à toutes les fédérations d’employeurs — et aux organisations syndicales d’exprimer leurs attentes et difficultés. L’enjeu est de faire évoluer une mesure dont on ne sait plus trop quel est l’objectif de base entre l’insertion professionnelle, l’aide à la « classe moyenne » ou l’enrichissement de quelques actionnaires. Mais cet arbitrage-là, c’est au monde politique de le réaliser en connaissance de cause.

Il n’est pas trop tard mais il est temps

Notre trésorière s’est dernièrement émue de l’absence de communication par la Région wallonne d’une procédure claire de transfert des informations concernant le temps de travail repris dans les contrats de travail des aides-ménager.es.

La question n’est pas de pure forme car transmettre des données privées, même à une administration, sans un cadre clair nous expose à contrevenir au RGPD.

Nous avons finalement eu confirmation qu’en toute discrétion, l’administration avait placé un lien vers un tableur Excell sur son site.

Une fois de plus, la manière d’agir nous parait pour le moins légère mais nous vous invitons à bénéficier du délai que l’administration accorde aux entreprises pour compléter les données ( car je cite : “L’administration est tout à fait consciente des difficultés du secteur à nous faire parvenir le document dans les temps”) et les envoyer au SPW (lien ici).

Aucune explication n’est évidemment fournie pour expliciter la notion d’heures valorisables.

Dans le même élan, vous aurez accès à un modèle de convention entre le client et l’entreprise TS que nous réclamons depuis plus d’un an maintenant et que l’administration a discrètement mis en ligne tout en restant sourde à nos demandes.

D’Edenred à Sodexo, pas exactement un long fleuve tranquille

Malgré notre souci de relayer vos attentes et vos problèmes, nous avons finalement renoncé à écrire ce mois-ci un article spécifique sur le passage à Sodexo des chèques ALE. La tâche aurait nécessité un temps de travail excédant nos possibilités en ce moment. L’un des soucis les plus récurrents concerne des commandes bloquées durant plusieurs semaines pour des raisons qui ne sont pas toujours évidentes à comprendre.

Comme nous le soulignons, les délais très courts entre le dépôt du marché de service et sa réalisation ont limité les possibilités pour le soumissionnaire de réaliser un travail correct de mise en œuvre apte à permettre une transition en douceur.

Résultat, retard dans le traitement de données, sites extranet incomplet et des chèques ALE électroniques reportés au second semestre 2023. Cela serait sans doute risible si ce n’étaient les fonctionnaires de première ligne et les prestataires qui doivent essuyer les plâtres auprès d’une clientèle de plus en plus institutionnelle et peu sensible à ces tracas organisationnels.

Pourtant d’aucuns avancent, et comme vous l’avez sans doute lu dans notre précédente News, la communauté germanophone a réformé en profondeur la mesure ALE. Nous attendons une réponse du gouvernement wallon concernant ces réformes initiées au sein d’une communauté qui fait pourtant formellement partie de la Région.

Conclusion

En parallèle, la mesure ALE suscite toujours études et analyses qui traduisent son intérêt dans le paysage de l’insertion socioprofessionnelle. De plus en plus, le désengagement des pouvoirs publics est pointé comme un important frein à son évolution.

L’autrice d’un récent article paru dans la revue l’Observatoire note ainsi : « A minima, le dispositif doit être réinventé, repensé, porté pour atteindre toutes ses potentialités. Amendé, il pourrait trouver sa place dans un contexte sociétal local et global s’articulant en cohérence à des fins de services utiles aux citoyens ». Nous n’aurions pu mieux dire.

I. Chauvier, Travailler sans emploi… la prestation ALE, un permis de travail à sens multiple(s), in L’Observatoire, n° 113/2022, Liège, 2023, p. 21.

J-M Lovinfosse

Co-président

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