Le bien-être des salarié.es TS mérite mieux que des effets “marketing”

Le bien-être des salarié.es TS mérite mieux que des effets “marketing”

Introduction

Ces derniers jours, la presse et la page Facebook d’une organisation syndicale font grand cas du rapport de l’inspection sociale commandité par le SPF Emploi.

Si l’on en croit cette organisation syndicale, qui semble tenir à ce que le terme « démagogie » ne se limite pas aux champs politiques, 90 % des entreprises de titres-services ne respectent ni la santé des aides-ménagères, ni la loi sur le bien-être !

Et d’exiger les sanctions les plus dures contre les contrevenants.

Pourtant, le rapport de l’inspection est autrement plus nuancé et sa lecture inviterait à une réflexion plus fine sur les problèmes, réels, que rencontre le secteur.

Composition de l’échantillon

Tout d’abord, l’échantillon choisi, bien loin des 1949 entreprises actives (en 2016), se concentre sur 175, soit 9 % de l’ensemble.

On constate qu’alors que les sociétés d’intérim représentent 60 % du bénéfice total au sein du secteur (elles sont donc l’acteur le plus rentable), une seule a été contrôlée.

Autre curiosité, si 8 ALE ont eu le plaisir de voir débarquer une inspection, aucune EI n’a été concernée. C’est dommage, car, compte tenu de leur financement spécifique, on peut se demander si les pratiques y sont plus respectueuses des prescrits légaux.

Il n’y a, par ailleurs, aucune information sur la taille des entreprises.

Du coup, il n’est pas non plus possible de lier respect de la législation et chiffre d’affaire, par exemple.

Quelle est la nature des infractions constatées ?

Plus de 50 % des infractions constatées — en sachant qu’il y a un effet cumulatif — concernent une absence de documents d’analyse de risques (général, maternité et charge lourde). S’y ajoute l’impossibilité pour l’employeur de prouver qu’il s’est rendu chez un client (ce qui ne signifie pas ipso facto qu’il ne l’a pas fait) et que les travailleurs ne sont pas soumis à une surveillance de santé (la médecine du travail).

Dans les faits, si la toute grande majorité des inspections a donné lieu à l’établissement d’un rapport par l’administration (mais n’est-ce pas la norme au vu de la complexité de la législation ?) un seul pro justitia a été dressé.

Qui est responsable ?

Autre enseignement de ce rapport, loin de faire porter la responsabilité sur les seuls employeurs, l’inspection note :

Cependant, lors des inspections, nous avons également constaté que certains employeurs ne sont souvent pas au courant de leurs obligations légales. Certains ont été bien informés par leur service externe de prévention du travail (vérifié sur la base des rapports de visite par leur service externe), mais n’ont pas mis en œuvre les obligations (souvent par manque de connaissances). Certains avaient peu de contacts avec leur service externe. Et d’autres ont été conseillés différemment par leur service externe de ce que le législateur a prévu (par exemple, le fait de ne pas avoir établi des analyses de risques spécifiques pour les employés des titres-services, pas de surveillance de santé obligatoire).

La législation est telle que même les organismes chargés de conseiller les employeurs se montrent incapables d’estimer la pertinence de certaines actions… qu’ils peuvent pourtant facturer.

Enfin, le texte précise aussi une intéressante limite au travail des inspecteurs sociaux :

En outre, le contrôle par l’inspecteur social du contrôle bien-être au travail n’est pas non plus évident dans la pratique, puisqu’il s’agit de domiciles privés de tiers, où les employés titre-service ne sont présents que pour une durée très limitée. L’accès des inspecteurs sociaux aux zones habitées est régi par l’article 24 du Code pénal social. 

Indirectement, et même si la législation impose d’autres pratiques, ils reconnaissent la difficulté pour l’employeur de mener cette surveillance[1].

Conclusion

La PAW ne cesse d’inciter ses membres à être attentifs à leurs obligations en la matière. Nous y avons du reste consacré une récente après-midi de réflexion.

Le bien-être au travail est un sujet éminemment sérieux et l’absentéisme au sein du secteur est à la fois interpellant sur le plan humain et destructeur sur le plan financier.

Ce dernier aspect devrait d’ailleurs retenir un peu plus l’attention des autorités, car il est difficile d’imaginer que la majorité des sociétés TS sont indifférentes à une situation qui impacte négativement leur trésorerie.

Cependant, la manière dont la problématique est abordée médiatiquement me semble, une fois de plus, répondre à des objectifs politiques (au sens large) et non pratique.

Je ne puis donc qu’espérer que le gouvernement wallon, et peut être fédéral, aura à cœur de rencontrer tous les acteurs du secteur, et ne se satisfera pas du lobbying de quelques organisations, pour apporter les solutions pérennes que tant les employeurs que les salarié.es méritent.

J-M Lovinfosse


[1] « La spécificité du lieu de travail dans ce secteur (chez l’utilisateur) signifie que la surveillance par l’employeur ou par un membre de la ligne hiérarchique ne peut être exercée de manière permanente. »

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