Accord de coalition « Arizona ».

Accord de coalition « Arizona ».

Le 31 janvier 2025, un accord est intervenu entre les 5 partis qui négociaient depuis juin permettant l’émergence d’un nouveau gouvernement « De Wever ».

L’accord qui doit servir de ligne directrice à ce dernier contient une série d’objectifs qui, s’ils sont effectivement mis en œuvre dans les quatre prochaines années, aura un impact sur nos activités. Il nous a donc semblé intéressant de regrouper ces éléments dans un article.

Ainsi, il est demandé aux partenaires sociaux de réduire le nombre de commission paritaire. Même si l’on voit mal comment cette demande pourrait aboutir concrètement, elle pourrait entrainer de fortes variations dans les échelles barémiques de certaines CP. Pensons à la 337 qui organise les relations au sein du secteur associatif.

Réduction des coûts salariaux pour les employeurs

Bart de Wever 1er ministre de Belgique
Bart De Wever. Premier ministre de la Belgique

La réduction groupe-cible pour les premiers engagements (aussi appelée « plan plus ») est réformée. Pour le premier travailleur, la réduction reste illimitée dans le temps et une réduction de cotisations de 2.000 euros par trimestre s’appliquera. En parallèle, pour le deuxième jusqu’au cinquième travailleur, une réduction de cotisations de 1.000 euros par trimestre sera accordée pendant les trois premières années. 

De plus, le gouvernement veut réduire les charges salariales pour les bas et moyens salaires via un plafonnement des cotisations patronales. 

Avantages salariaux et rémunération flexible

Le gouvernement veut augmenter le salaire net des travailleurs. Cela se fera via une augmentation des salaires minimums et par la réduction de la Cotisation Spéciale de Sécurité Sociale, le renforcement du bonus à l’emploi social et l’augmentation de la quotité exemptée d’impôt. 

Le système des frais propres à l’employeur et de la rémunération flexible sera encadré légalement.  Pensons ici aux frais d’entretien de vêtement dans le secteur des titres-services.

Les différents systèmes de chèques seront modifiés. Il sera demandé aux partenaires sociaux d’augmenter la valeur maximale légalement autorisée pour les chèques-repas (actuellement 8 euros) de deux fois 2 euros durant la prochaine législature (jusqu’à 12 euros). La déductibilité du coût employeur sera également augmentée. Enfin, les possibilités d’utilisation des chèques-repas seront élargies. 

Les autres chèques (comme les éco-chèques, les chèques sport et culture) seront progressivement supprimés, en concertation avec les partenaires sociaux. 

Une réforme fiscale rendra plus intéressant de récompenser les travailleurs en argent plutôt qu’en avantages en nature. Les systèmes de bonus collectifs existants (CCT 90, prime bénéficiaire…) seront donc simplifiés et leur champ d’application sera davantage harmonisé.

Formation et apprentissage

Le droit individuel à la formation (droit de chaque travailleur de disposer de plusieurs jours de formation par an) est maintenu. 

Cependant, plus de flexibilité et une collectivisation partielle sont prévues. L’exemption du droit individuel à la formation pour les entreprises de moins de 20 travailleurs est maintenue. 

Le FLA (Federal Learning Account) – la plateforme numérique mise en place par le précédent gouvernement pour enregistrer le nombre de jours de formation suivis par les travailleurs – serait supprimé. Ceci pour éviter que les charges administratives des employeurs n’augmentent davantage. 

Mobilité

Le budget de mobilité existant est transformé en un budget mobilité pour tous. Il part de la mise à disposition par l’employeur d’un budget où la voiture, ainsi que d’autres modes de transport, sont des possibilités de dépense basées sur leur valeur réelle. 

Dans un souci de simplification, les règles existantes pour les interventions de l’employeur dans les déplacements domicile-lieu de travail et les déplacements privés du travailleur seront intégrées.

L’exonération pour les déplacements domicile-travail en voiture ne sera – et ce pour une seule fois – pas indexée. 

Prévention et réintégration des malades de longue durée

La lutte contre le nombre croissant de malades de longue durée devient l’un des chantiers les plus importants.

Le gouvernement veut réaliser trois objectifs : 

  1. Empêcher que les gens ne tombent malades ;
  2. Empêcher que les personnes qui tombent malades ne restent longtemps sans travailler ;
  3. Réintégrer facilement sur le marché du travail les personnes qui ne travaillent plus depuis longtemps.

Conséquences pour les employeurs : 

  • Ils sont encouragés à mettre en place une politique active de gestion de l’absentéisme ; 
  • Ils devront payer une contribution pendant les deux premiers mois d’incapacité de travail (après la période de salaire garanti), égale à 30% de l’indemnité de maladie, mais pas pour les travailleurs âgés (à partir de 55 ans) ni dans les PME. Ceci remplace l’actuelle cotisation de responsabilisation perçue par l’ONSS.
  • Une plus grande marge de manœuvre est donnée dans les trajets de réintégration avec la possibilité d’emploi chez d’autres employeurs ; 
  • Les trajets de réintégration peuvent désormais être lancés par l’employeur dès le début de l’incapacité de travail (au lieu de devoir attendre trois mois) ; 
  • Le potentiel de travail d’un travailleur en incapacité de travail doit obligatoirement être évalué après huit semaines. Si cette évaluation est positive, un trajet de réintégration devrait être lancé. Une sanction suit si aucun trajet de réintégration n’est lancé dans les six mois qui suivent. Cette sanction ne s’applique pas aux PME de moins de 20 travailleurs ;
  • Il reste possible – après examen interne de réintégration – de mettre fin au contrat de travail pour force majeure médicale comme deuxième option. Cette procédure peut être lancée après six mois (au lieu de neuf). La contribution de 1.800 euros au Fonds de retour au travail est généralisée (au lieu d’être imposée uniquement en cas de constatation unilatérale par l’employeur). 
  • Il devient possible de signaler les certificats de maladie et d’incapacité de travail suspects à un point de contact numérique du SIRS

Modification du droit au salaire garanti : 

En cas de rechute, le salarié n’aura droit à une nouvelle période de 30 jours de salaire garanti qu’après 8 semaines de reprise du travail, pour éviter que les travailleurs en incapacité de travail puissent à chaque fois prétendre à un salaire garanti à charge de leur employeur. 

Les travailleurs en incapacité de travail qui reprennent partiellement le travail chez leur propre employeur ou un autre employeur avec l’autorisation du médecin-conseil de la mutuelle n’auront pas droit au salaire garanti en cas de nouvelle incapacité de travail complète pendant cette période de reprise partielle du travail, mais retomberont entièrement sur une indemnité de maladie de la mutuelle. 

Le gouvernement veut également réduire les obstacles administratifs lors de la reprise partielle du travail, tant pour l’employeur que pour le travailleur et la mutuelle. Une autorisation du médecin traitant ou du médecin du travail sera également suffisante pour permettre au travailleur de reprendre partiellement le travail.

Modification du droit du travail

Le droit du travail sera modernisé. L’employeur et le travailleur auront plus de liberté pour déterminer les heures de travail d’un commun accord.

Les règles suivantes sont supprimées : 

  • L’obligation d’inclure explicitement tous les horaires dans le règlement de travail ; 
  • L’obligation en vertu de laquelle la durée du travail d’un travailleur à temps partiel doit comporter au moins 1/3 de celle d’un travailleur à temps plein ; 

La possibilité d’horaires « accordéon » est introduite. Cette annualisation (la prestation de la durée hebdomadaire moyenne de travail sur la période de référence d’un an) est introduite moyennant un accord entre employeur et travailleur et avec libre choix entre repos compensatoire ou paiement des heures effectuées en plus.

 Là où c’est possible, l’enregistrement du temps de travail sera introduit. 

La législation sur les jours fériés peut être adaptée à la demande des régions, afin que la liste des jours fériés légaux puisse être étendue aux jours fériés régionaux, comme le 27 septembre en Région flamande. 

Le transfert temporaire et/ou souple du personnel vers un autre employeur est facilité. 

Il est demandé aux partenaires sociaux d’élaborer des propositions pour achever le statut unique ouvriers-employés. 

L’obligation de premier emploi est supprimée.

Politique du marché du travail

Quiconque est en chômage temporaire depuis plus de 3 mois doit obligatoirement s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès du service régional de l’emploi qui prévoit une offre adaptée. 

Le gouvernement veut promouvoir les flexi-jobs en portant le revenu annuel maximum non imposable de 12.000 euros à 18.000 euros, ET en augmentant le salaire horaire maximum – là où il s’applique – de 17 euros à 21 euros. Ces montants seront indexés.

Pour les travailleurs à temps plein, l’interdiction d’exercer un flexi-job dans une entreprise liée à leur propre employeur sera levée.

 Les flexi-jobs seront possibles dans tous les secteurs, sauf si le secteur compétent choisit lui-même de s’en exclure.

Les pensionnés qui souhaitent gagner un revenu complémentaire pourront le faire, selon les plans, à un taux fixe libératoire de 33%. La condition est que le retraité ait eu une carrière complète de 45 ans ou recommence à travailler après l’âge légal de la pension. 

Équilibre vie professionnelle-vie privée et carrières plus longues

Actuellement, il existe divers congés, chacun avec ses propres conditions : crédit-temps, congé parental et autres congés thématiques. Ces congés permettent à un travailleur de mieux adapter son emploi à sa vie privée, par exemple lorsqu’il souhaite se consacrer davantage à ses enfants, d’autres membres de sa famille ou lorsqu’il veut suivre une formation. Ces divers congés seront harmonisés. 

De plus, les différents régimes de congés des salariés, indépendants et fonctionnaires seront également mieux alignés. Cet exercice devrait notamment aboutir à un crédit familial pour s’occuper d’un enfant. Chaque enfant reçoit un « sac à dos » de droits de congé qui peut être utilisé par les parents, mais aussi par les grands-parents, par exemple. Les parents d’accueil pourraient également avoir droit au congé parental. 

En outre, on examinera quelles mesures peuvent être prises pour augmenter la flexibilité des travailleurs, comme la flexibilité dans l’organisation d’une journée de travail, en fonction de la vie scolaire.

Les emplois de fin de carrière, où un travailleur prend un crédit-temps à mi-temps ou 1/5e pour réduire son temps de travail, resteront possibles à partir de 55 ans et moyennant une carrière de minimum 30 ans. Cette condition sera graduellement augmentée à 35 années de carrière en 2030. La période de l’emploi de fin de carrière ne sera assimilée pour la pension qu’à un salaire fictif limité. 

Licenciement

Au plus tard le 31/12/2025 – et après consultation des partenaires sociaux – le gouvernement veut réintroduire la période d’essai. Pendant les 6 premiers mois du contrat, tant l’employeur que le travailleur peuvent mettre fin au contrat de travail avec un préavis d’une semaine.

Les indemnités de licenciement pour les nouveaux travailleurs sont limitées à maximum 52 semaines. 

De plus, le nombre d’indemnités de protection en cas de licenciement est limité. Enfin, la protection contre le licenciement des candidats aux élections sociales qui ne sont pas élus pour la deuxième fois sera réduite à 6 mois. La protection des candidats élus reste inchangée. 

Lutte contre la fraude sociale

En outre, les sanctions pour fraude sociale et dumping sont alourdies. En cas d’infractions au Code pénal social avec facteurs aggravants, l’amende pénale ou administrative ne peut pas être inférieure à 50% du montant maximal prescrit. Les amendes augmentent encore par une augmentation des décimes additionnelles de 70 à 90. 

Enfin, le gouvernement veut priver les auteurs de fraude sociale du droit aux futures réductions ONSS pendant un certain nombre de trimestres.

Modification des conditions d’accès à l’assurance chômage

Voici les points principaux :

  • Limitation dans le temps : Les allocations de chômage seront désormais limitées à deux ans pour la plupart des bénéficiaires. Cependant, cette limitation ne s’appliquera pas aux personnes de plus de 55 ans ayant une carrière d’au moins 30 ans (35 ans d’ici 2030).
  • Augmentation initiale : Les allocations de chômage seront augmentées durant la première période pour offrir un soutien financier plus important au début.
  • Dégressivité renforcée : La dégressivité des allocations sera renforcée au fil du temps, incitant ainsi les bénéficiaires à retrouver un emploi plus rapidement.
  • Formation et accompagnement : Un investissement sera fait dans la formation et l’accompagnement des chômeurs pour les aider à réintégrer le marché du travail.
  • Budget de mobilité : Un budget de mobilité sera créé pour faciliter la recherche d’emploi et la transition vers de nouveaux postes
  • Conditions pour les jeunes diplômés : Les jeunes diplômés pourront bénéficier des allocations de chômage pendant un maximum d’un an
  • Démission et chômage : Les personnes ayant une carrière d’au moins 10 ans pourront bénéficier temporairement des allocations de chômage après avoir démissionné, mais cela ne sera possible qu’une seule fois. L’allocation de chômage est payée pour maximum 6 mois. Cette période peut être prolongée de 6 mois si la personne termine avec succès une formation pour un métier en pénurie et que cette formation a commencé pendant le premier trimestre des allocations. 
  • Numérisation des démarches : À partir de 2025, les demandes de chômage temporaire devront être effectuées en ligne, et la carte de contrôle sera entièrement numérisée.

Simplification administrative et autres

Le gouvernement établira un inventaire de tous les documents soumis à une obligation de conservation, et réduira l’obligation de conservation pour les documents les moins importants.

Si les conditions de travail sont inchangées, il n’est plus nécessaire de refaire une analyse des risques chaque année dans le cadre de la loi sur le bien-être.

Un plan d’action interfédéral contre le racisme, la discrimination, la xénophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie et l’intolérance est mis en place. Les employeurs du secteur public qui ne respectent pas structurellement les objectifs chiffrés prévus concernant l’emploi des personnes handicapées se verront imposer des sanctions.

Le gouvernement veut également lutter contre la discrimination liée à l’âge et accorder une attention particulière à la protection des droits des personnes LGBTI+.

Le gouvernement mettra également en œuvre la directive européenne sur le renforcement de l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur.

L’enregistrement non visible des informations sur le sexe et le genre est rendu possible.

 Des mesures ciblées sont prises pour mieux intégrer les migrants sur le marché du travail. 

Dans le cadre de la numérisation de notre économie, une stratégie belge des données sera développée pour réguler l’utilisation, le partage et la vente des données. L’objectif est de créer un marché commun des données dans le respect de la protection des données personnelles. 

Conclusion

Précision importante, ce n’est pas parce qu’une mesure figure dans un accord de gouvernement qu’elle aboutit.

D’autre part, certaines des mesures ici énoncées nécessitent l’accord des régions.

Notons que la suppression des allocations de chômage après deux ans va avoir d’importantes conséquences sur l’activité ALE. Nous ignorons comment le gouvernement wallon va concilier cette disposition avec sa volonté affirmée de réinvestir la mesure.

Pour le secteur des titres-services, les mesures qui visent à lutter contre l’absentéisme ne seront pas non plus sans conséquences. Pensons à l’allongement de la période de salaire garanti.

Enfin, l’article se concentre sur les mesures jugées les plus susceptibles d’avoir une influence sur nos métiers et ne prétend donc pas à l’exhaustivité.